Souvent, afin de justifier les délocalisations, le gouvernement de Nicolas Sarkozy et les industriels invoquent des coûts salariaux trop élevés en France, mais ceux-ci sous-estiment fréquemment les surcoûts. Au final, les différentiels de coûts entre un pays développé et un pays d’Asie sont souvent faibles Etude McKinsey .
Dans bon nombre de cas, les coûts salariaux ne sont pas vraiment déterminants et la délocalisation de l’activité n’est pas vitale pour la survie de l’entreprise. D’autres raisons animent parfois les dirigeants, parmi lesquelles le recours à la main d’œuvre plus docile et moins syndicalisée des pays émergents et dans les PME, le découragement, face à une administration française jugée peu compréhensive et des banques peu solidaires.
Certes, les donneurs d’ordres uniquement motivés par les gains de coûts et peu regardants sur la qualité, l’age des ouvrières et les conditions de travail, peuvent, même si l’on ajoute les surcoûts, faire des économies très conséquentes.
Il y a sur le continent asiatique, une grande disparité de salaires et ces nouveaux esclavagistes peuvent toujours trouver encore et toujours moins cher. Les grandes usines chinoises qui ont pignon sur rue ont dû, suite aux grèves, augmenter plusieurs fois les salaires mais il y a encore des dizaines de millions d’ouvrières, notamment en Inde et au Bangladesh, qui sont corvéables à merci, dont parfois des gamines de 12 ou 14 ans travaillant 14 à 16 heures par jour et six à sept jours par semaine avec une rémunération journalière de 1 à 2 euros.
Effectivement, si les boutiques occidentales vendaient les vêtements à des prix en rapport avec ces coûts salariaux presque inexistants, il serait évidemment impossible d’être concurrentiel en fabriquant en France, mais c’est loin d’être le cas !
Lorsqu’une enseigne de prêt-à-porter moyen de gamme ou auto proclamée haut de gamme ou luxe, opte pour la fabrication de vêtements à bas prix et produit ou achète par exemple, un article pour 1 euro en Chine ou en Inde, celui-ci n’est pas pour autant revendu 3 ou 4 euros en boutique.
En réalité, le prix de vente dépend davantage du positionnement marketing de la marque et de ses ambitions que du coût réel de fabrication du vêtement et la cliente doit débourser 25, 50 ou 100 euros pour cet article de qualité souvent médiocre.
Ainsi la consommatrice perd du pouvoir d’achat car ce niveau de prix aurait pu naguère, lui permettre, d’acheter un article de meilleure qualité, fabriqué en France. En revanche, l’enseigne prospère très rapidement au frais de sa clientèle et s’offre généralement avec les économies réalisées sur les coûts de fabrication, de nombreuses et coûteuses campagnes de publicité, et des dizaines, centaines ou milliers de nouvelles boutiques ou mégastores qui enrichissent démesurément les actionnaires et fonds d’investissement.
Avant la délocalisation massive de l’industrie du textile habillement, afin que leurs prix soient concurrentiels, les boutiques appliquaient le plus souvent, un coefficient multiplicateur entre 2.2 et 3.5 au prix d’achat hors taxes payé à l’usine de vêtements. En clair, la moitié ou le tiers du prix payé par la consommatrice était constitué par le coût consacré réellement à la fabrication du vêtement et lorsqu’un article était soldé, le coût de fabrication représentait couramment 2/3 du prix acquitté.
Aujourd’hui, il n’y a aucun repère et la plupart du temps les consommatrices sont abusées.
Chez les chaînes de magasins proposant des articles à prix bas ou modérés, les consommatrices ont le sentiment de pouvoir consommer davantage qu’auparavant, mais il n’est pas non plus certain qu’elles aient gagné du pouvoir d’achat car ces produits importés sont souvent rapidement hors d’usage ou démodés et doivent être renouvelés en permanence. Les groupes de distribution l’on bien compris et savent également qu’une profusion d’articles à bas prix génère l’achat d’une plus grande quantité de produits, parfois inutilisés.
L’achat impulsif remplace l’achat réfléchi et ces temples du consumérisme connaissent maintenant l’apogée.
Les Etats-Unis, pourtant au cœur du processus de mondialisation, envisagent maintenant la relocalisation : Dans l’article " Moving bac k to America ", , publié sur " The economist " le 12 mai 2011, le BCG (Boston Consulting Group), nous informe que la convergence des salaires américains et chinois, pourrait favoriser une relocalisation de l’industrie aux Etats Unis à l’horizon 2015 et prédit un nouvel avenir pour l’industrie américaine.
Notre voisin allemand, dont la croissance repose sur son modèle industriel et dont le coût de main d’œuvre est proche du notre, a su préserver sur son territoire, une plus grande part de son industrie et reste le deuxième exportateur mondial de biens.
Des économistes compétents tentent de nous faire prendre conscience des dangers liés à la perte d’industrie manufacturière. Parmi eux, Dani Rodrik, professeur d’économie politique internationale à Harvard, dont l’article publié sur le site remarquable « Project Syndicate » le 10 août 2011, démontre la nécessité de conserver une industrie manufacturière
La production en France d’une grande part de nos biens de consommation pourrait être économiquement viable et notre projet a rencontré un bon accueil lors de sa publication.
- Un plan de sauvetage pour l’industrie manufacturière
- « L’emploi industriel ? On dirait qu’ils s’en foutent … »
Francis JOURNOT
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